Nous voici en route, sous spi, le long de la côte Nord de Sumbawa.
A tribord l’île Sangeang et son imposant volcan qui culmine à 1949m, a bâbord Sumbawa, quand à elle, dominée par le Tambora, volcan encore actif de 2850m.
Un pêcheur rentre de sa pêche de nuit, lui aussi sous « spi »…
Et nous accostons à Wera Bay où 2 masses énormes trônent sur la plage, 2 coques de bateaux de transports traditionnels indonésiens…
Avec sa proue longue et élégante, ses mâts jumeaux imposants, sa coque en bois profilée et ses sept voiles gonflées (2 voiles hautes, 2 voiles basses et 3 voiles d’avant), le voilier traditionnel indonésien connu sous le nom de Pinisi évoque une époque révolue. Construits à la main de manière traditionnelle, ils perpétuent l’esprit vivant des majestueux voiliers de l’âge d’or de la voile, qui s’est terminé en Occident au début du XXe siècle, mais qui a prospéré jusqu’à récemment dans les eaux indonésiennes. D’ailleurs, Les Pinisi sont, depuis 2017, inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, et représentent l’art de la construction navale dans le sud de Sulawesi par le peuple de marins Bugis.
Le premier Pinisi aurait été construit vers 1840 par un Français à Trengganu en Malaisie, à la demande du sultan Baginda Omar; ce terme viendrait ainsi du mot «pinasse».
Aujourd’hui, les Pinisi perdurent chez les grands commerçants de bois qui transportent des marchandises entre les petits ports de l’archipel. Bien qu’ils soient motorisés et dotés seulement de minuscules gréements auxiliaires, ces bateaux sont construits encore à la main en utilisant des techniques traditionnelles et quelques outils plus modernes, perceuses, tronçonneuses, palans électriques, etc…
Dans le petit village de Wera Bay, nous avons ainsi été accueillis par des descendants du peuple Bugis et invités à visiter 2 chantiers de construction coincés entre les maisons d’habitation du bord de plage.
Sans croquis ni calculs, les Pinisi d’aujourd’hui sont construits de manière traditionnelle. La quille est posée en premier, puis l’étrave et l’étambot sont érigés. Cependant, contrairement aux navires occidentaux en bois où la forme de la coque est construite en fixant des planches de bois à une charpente ou à un moule, lors de la construction d’un Pinisi, le bordé est assemblé avant la charpente ! De la quille vers le haut, les planches sont ajustées les unes aux autres et fixées à l’aide de chevilles en bois martelées dans des trous percés à la main dans les bords des planches et quelques vis en métal. Planche par planche depuis la quille jusqu’au pont, jusqu’à ce que la forme de la coque se dessine. Étonnamment, tout cela se fait à l’œil nu, sans utilisation de plans ni de moules mais selon l’expérience de chaque maître d’œuvre. Pour les bordées et la quille, on utilise le « bois de fer », un bois très dense qui résiste particulierement a l’eau de mer.
Le futur propriétaire de ce bateau (plus de 30 mètres de long) nous a indiqué que le chantier durait environ 2 ans pour un coût d’environ 400 000 Euros. Une fois terminé le Pinisi sera convoyé jusqu’à la grande ville voisine de Bima où une motorisation diesel sera installée.
Le village de Wera est situé non loin du mont Tambora, volcan dont l’éruption de 1815 fut la plus dévastatrice dans l’histoire de l’humanité et décima la population de Sumbawa. Des immigrants sont ensuite venus repeupler cette île, et en particulier des descendants de Bugis issus de Sulawesi, ici à Wera.
Cette vidéo promouvant un chantier de Sulawesi donne de plus amples détails sur ce type de construction.